Etat d’urgence sanitaire : l’ordre social, quoi qu’il en coûte

La Défense Collective GJ Cévennes Garrigues a décidé de co-signer ce texte à propos de la situation actuelle. Nous en partageons en effet l’analyse, même si nous ne sommes pas forcément d’accord avec les idées et les pratiques de tous les signataires.
Quoi qu’il en soit, la collaboration et l’échange d’idées nous paraissent importants entre les groupes antirépression, défense collective, legalteam au sein du mouvement Gilets Jaunes mais aussi dans la période actuelle où la répression risque d’être particulièrement forte.
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État d’urgence sanitaire : l’ordre social, quoi quil en coûte

Depuis le mois de mars on assiste au déploiement d’un arsenal de mesures destiné à enrayer la propagation du covid-19. Bien loin de concerner le seul champ médical, ces mesures impliquent des transformations profondes du fonctionnement des institutions étatiques, et notamment judiciaires. L’état d’urgence sanitaire instaure un État autoritaire, anéantit les droits de la défense et exacerbe le réflexe sécuritaire. Dans ce contexte, les groupes de défense collective et legal teams restent actifs pendant le confinement pour ne laisser personne isolé·e face à la police et aux juges.

Après avoir été niée pendant des semainesi, la dangerosité du covid-19 a donné lieu à un arsenal de mesures destiné à enrayer la propagation de la maladie. Bien loin de concerner le seul champ médical, ces mesures impliquent des transformations profondes du fonctionnement des institutions étatiques, et notamment judiciaires. Depuis la publication de la loi du 23 mars 2020 qui prévoit les conditions de l’état d’urgence sanitaireii (EUS) et son instauration le même jouriii, et plus encore depuis qu’une ordonnance a précisé les « adaptations » de la justice pénale à la crise sanitaireiv, des voix se sont élevées pour dénoncer ce qui est appréhendé comme une dérive de l’État de droit. On peut se réjouir de constater une réaction plus franche après quelques jours de sidération collective. Mais on peut aussi, à l’inverse de l’idée de dérive, analyser l’état d’urgence comme un moment de quintessence de la justice d’État, c’est-à-dire un moment où elle apparaît dans sa forme condensée, dans sa forme la plus explicite, celle qui ne s’embarrasse plus d’aucun atour démocratique pour s’affirmer nue.

Du « quoi qu’il en coûte » martelé lors du discours présidentiel du 16 mars, il serait naïf de retenir la promesse de largesses budgétaires sans contreparties. Il fallait plutôt comprendre que, quoi qu’il en coûte, l’État imposera son ordre économique et social, même s’il faut en passer par une suspension des droits les plus fondamentaux, par une terrible régression sociale, par une paupérisation massive. L’état d’urgence n’est pas le confinement, loin de là. Il ne durera pas ce que le confinement durera, loin de là. L’état d’urgence sanitaire n’implique pas qu’une modification de nos quotidiens pour la protection de notre santé collective. Il implique aussi l’instauration d’un État autoritaire pour la sauvegarde de l’ordre social en perspective de l’offensive capitaliste annoncée.

Instauration d’un nouveau régime

Les effets de la loi du 23 marsv sur la vie quotidienne ont été abondamment commentés dans les médias, sur les réseaux sociaux : distanciation sociale, interdiction de tout déplacement sauf dérogation, réglementation des transports, interdiction de tout rassemblement, réunion ou activité collective (dont religieuse et politique), fermeture des établissements scolaires, réquisition de biens et de personnes, possibilité de mise en quarantaine, de placement ou isolement des personnes affectées. Les conséquences de la loi du même jour sur le fonctionnement des institutions n’ont par contre pas été particulièrement soulignées. Celles d’une validation des entorses à la constitution par le Conseil constitutionnel lui-même non plusvi. Réduire les enjeux de l’EUS aux modalités du confinement évacue toute critique conséquente de la gestion de la crise. Car cette loi concerne bien plus que la santé. Elle met en place un régime politique qui n’est malheureusement pas inédit. Lorsque les pouvoirs sont concentrés dans les mains de l’exécutif et qu’il peut en user de manière discrétionnaire cela porte un nom, même si cela heurte les mythes du pays des droits de l’homme et de l’Europe de la démocratie.

Alors qu’il existe déjà des dispositions du Code de la santé publique pour accorder des pouvoirs spéciaux au ministre de la Santé en cas de catastrophe sanitaire, le gouvernement a choisi d’instaurer un nouveau régime d’exception pour avoir toute latitude à réglementer dans un très grand nombre de domaines de la vie sociale, économique, politique et juridique. Avec la loi du 23 mars, l’exécutif est autorisé à gouverner par ordonnances. 42 textes ont été ainsi adoptés entre le 25 mars et le 15 avrilvii. Sans aucun débat. Un peu comme un 49-3 permanent mais en prime sans aucune consultation du Parlement. Ce n’est pas qu’on comptait beaucoup sur ce dernier pour nous défendre mais il est tout de même significatif qu’il soit rendu muetviii et que soit mis fin à la séparation des pouvoirs exécutifs et législatifs. Localement, le rôle des préfets est conforté, puisque c’est à eux de faire appliquer et de moduler les mesures décidées par le gouvernement –pour exemples le confinement renforcé en Alsace le week-end de Pâquesix ou les tentatives de réquisitions de milices de chasseurs en Seine-et-Marne début avrilx. Dans la rue, c’est la police qui décide de manière arbitraire si nos déplacements sont légitimes ou non, sans qu’aucun texte ne précise les conditions de l’infraction au non-respect du confinementxi et sans que les tribunaux de police puissent statuer en cas de contestation : désormais toute personne dans la rue est délinquante sauf preuve du contraire, ou plutôt sauf acquiescement aléatoire des flics. Un blanc-seing leur est donné pour les contrôles abusifs et les violences, surtout dans les quartiers populaires où les brutalités habituelles de la police se sont intensifiées. En outre, la répétition de verbalisations est devenue un délit, ce qui est parfaitement contraire aux règles du droitxii.

Ce régime d’exception s’inscrit dans le droit au-delà de la durée du confinement, et au-delà de la durée de l’état d’urgence sanitaire. Le 23 mars, l’EUS a été décrété pour une durée de deux mois, par dérogation d’ailleurs au régime tout juste créé. Mais il pourra être renouvelé sur tout ou partie du territoire. Il pourra aussi être levé puis instauré à nouveau si besoin. Autant de fois que le gouvernement l’estimera utile et ce jusqu’au 1er avril 2021, voire plus si la loi est prorogée, c’est-à-dire maintenue. Et en dehors des périodes d’état d’urgence, le ministre de la Santé garde le droit d’édicter des mesures de restriction de libertés, collectives mais aussi individuelles, jusqu’à « disparition durable de la crise sanitaire ». Hors des périodes d’état d’urgence, nous resterons donc encore dans l’exceptionnel. Et après l’urgence et l’exceptionnel, rien n’empêchera que le Parlement revenu à ses fonctions ordinaires pérennise certaines des dispositions de l’EUS. Ainsi, à peine le sabordement du droit du travail prononcé par ordonnance le 25 mars, le patron du Medef appelle à une extension générale du temps de travail. Jusqu’au 31 décembre, de nombreux secteurs seront renvoyés à des conditions qu’on croyait dépassées. Journées de 12h, semaines de 60h, suppression de RTT, de congés, l’ordonnance sur le travail montre qu’il n’y a pas un sens de l’histoire qui nous mènerait vers le progrès mais toujours une lutte de classe à mener pour ne pas se faire dévorer davantage. Et après le 31 décembre, que se passera-t-il ? Tout porte à croire que la crise économique qui avance sous le linceul du covid-19 sera le prétexte parfait pour exacerber l’exploitation.

Des droits de la défense anéantis

L’instauration d’un nouveau régime est un choix politique, non une fatalité virologique déterminée par la catastrophe sanitaire. La culpabilisation et la répression à l’encontre des classes populaires ne suffisent pas à masquer les dénis du gouvernement, ses mensonges, sa gestion mortifère, l’absurdité de ses consignes contradictoires, non plus la mesquinerie de ses politiques budgétaires, la férocité de ses réformes, sa logique de privatisation à tout va. Il est des mesures prises qui ne peuvent en aucun cas se justifier par la prévention sanitaire mais qui servent sans aucun doute une stratégie de domestication de la population. Il en est ainsi de l’ordonnance qui modifie les règles de procédure pénalexiii. Durant les périodes d’EUS et un mois au-delà, les délais de prescription sont suspendus, les délais de voies de recours sont doublés et surtout les conditions des GAV, des jugements et des détentions sont complètement transformées. En quelques jours, les droits de la défense ont été anéantis à toutes les étapes du parcours judiciaire, de l’arrestation jusqu’à la sortie de prison. Les tribunaux sont ouverts au minimum, toutes les audiences civiles ou administratives sont reportées, seule la justice pénale, considérée comme essentielle, continue son cours. En d’autres circonstances on pourrait se réjouir de la mise à l’arrêt de la justice d’État, mais là c’est bien sûr aux dépens des arrêté·e·s, des enfermé·e·s, des condamné·e·s. Les institutions judiciaires sont réduites aux plus stricts besoins du pouvoir : celui de punir et d’enfermer.

Il serait trop long de décrire ici l’ensemble des dispositions prises en matière de justice pénale. Pour faire court, mentionnons qu’en garde à vue le droit de s’entretenir de manière confidentielle avec un·e avocat·e peut se résumer à un simple un coup de fil, sans garantie que la police n’écoute la conversation. Pour ce qui est des tribunaux, les jugements peuvent se faire par visioconférence, et même par téléphone. En correctionnelle, un décret constatant la persistance de la menace sanitaire permettra de transformer les audiences collégiales en audience à juge unique. Les détentions provisoires peuvent être prolongées de six mois sans aucun débat contradictoire, c’est-à-dire sans possibilité de se défendre oralement. De fait, de nombreux·ses juges ont prolongé de manière automatique les détentions arrivant à terme, sans même convoquer la personne à une audience. Idem lorsqu’on est assigné·e à résidence. Et si l’on est en prison après avoir été condamné·e, les possibilités de se défendre, que ce soit pour les aménagements de peines, réductions de peines, permissions ou libérations sous contrainte se réduisent à de simples observations écrites. Certain·e·s mineur·e·s ne sont pas épargné·e·s par cette logique de réduction des droits de la défense, bien au contraire : détention provisoire, « mesures éducatives » et placements prolongés, audiences à juge unique, prolongation de garde à vue sans présentation à un magistrat. La sortie anticipée d’environ 5 000 prisonnier·e·s en fin de peine n’est pas un geste de générosité et ne pourra pas compenser l’inflation carcérale que ce gouvernement, comme ses prédécesseurs, a amplifiée.

Concernant le droit des étranger·e·s, c’est encore une réponse sécuritaire au risque sanitaire. Les demandes d’asile sont quasiment suspendues et les délais de recours n’ont pas été adaptés à l’incapacité actuelle des services administratifs à instruire les dossiers, que ce soit pour les demandes d’asile, les placements en rétention ou les expulsionsxiv. Les centres de rétention enferment encore, illégalement, malgré les reconduites à la frontière désormais impossibles, et notamment des personnes maladesxv.

Nos ennemi·e·s n’ont pas changé

Partout en France, et dans les banlieues particulièrement, les révoltes se multiplient et les nuits sont incendiaires. La colère n’en finit pas de monter parmi les cibles ordinaires de la police, parmi celles et ceux que le confinement assigne à la misère, parmi les travailleur·se·s exposé·e·s au virus, parmi nous, toute la population qui savons que, covid ou pas, nous resterons toujours du même côté de la barrière. Face à la déferlante de mesures répressives et de pratiques autoritaires, il est nécessaire de se défendre ensemble. L’objectif de nos collectifs est de ne jamais laisser personne isolé·e face à la police et aux juges. Dans la mesure des moyens dont dispose chaque collectif, nous restons donc disponibles pour contester les amendes de non-respect du confinement, mettre en contact avec des avocat·e·s, accompagner les proches de personnes blessées, mutilées ou tuées par la police. Aujourd’hui, nous nous adaptons à toutes les contraintes qu’impose le confinement et nous nous organisons pour la suite.

Le constat d’un abandon général des principes constitutionnels et des droits fondamentaux interpelle, même si on ne défend ni l’État ni sa justice. Pourquoi lutter contre une maladie devrait inexorablement se traduire par une acceptation du flicage général, une résignation à être dépossédé de tout libre-arbitre, un changement de régime et un durcissement des conditions judiciaires et carcérales ? Alors que, derrière le recours aux technologies pour tracer les contaminations, on voit déjà poindre la banalisation et l’extension de l’exploitation des données personnelles –il n’a cependant pas fallu attendre 2020 pour que la police utilise les données fournies par les opérateurs–, le processus risque fort d’être le même dans tous les domaines. Comme on s’habitue aux dronesxvi, à la vie sociale virtuelle, à l’information médiée par les algorithmes, on s’habitue aussi à vivre sous cloche et sous surveillance. Comme toute loi d’exception, l’EUS sera plus qu’une parenthèse. Au « mieux » il sera un précédent inspirant pour les gouvernants, au pire il sera une phase de transition. Des dispositions de l’état d’urgence de 1955 réactualisé en 2015 sont ainsi entrées dans le droit ordinaire en 2017. Comment ne pas craindre alors que la loi sur l’EUS de 2020 initie de nouvelles lois mais aussi de nouvelles pratiques de gouvernementalité pour les années à venir ? Ce moment n’est pas une faillite du droit, de la justice, de la démocratie mais une démonstration du fait que la loi, retranscrivant les rapports de force existant au sein de la société, peut être modelée en fonction des besoins du pouvoir. Elle formalise un ordre social. Quoi qu’il en coûte.

Ce que permet cet état d’urgence, ce n’est en aucun cas de développer des moyens susceptibles de rompre avec la logique criminelle qui nous a mené·e·s à ce désastre. Le 16 mars, lors de l’allocution présidentielle, nous avons bien entendu la déclaration de guerre et nous savons bien de qui elle provient. Ériger un prétendu ennemi commun, appeler à l’unité nationale, la tactique est éculée et le chantage grossier. S’il y a une guerre qui s’annonce, ce n’est que sur le terrain social et nos ennemi·e·s demeurent les mêmes, avant, pendant et après la pandémie.

24 avril 2020

EUS fin
L’EUS c’est quoi?

Collectifs signataires :

CLAJ, Collectif lillois d’autodéfense juridique : claj(at)riseup.net

La Cabane juridique, Calais : legalshelterviolences(at)gmx.com

Contre la répression organisation collective, Caen : caenantirep(at)riseup.net

Legal Team Paris / Groupe légal de la Coordination antirépression Paris-IdF : stoprepression(at)riseup.net

Anti-Rep rurale de Bure : arr(at)riseup.net

Caisse de solidarité contre la répression, Dijon : caissedeso21(at)riseup.net

Caisse de solidarité de Lyon : caissedesolidarite(at)riseup.net

CASSIS, Collectif d’autodéfense et de solidarité en soutien aux inculpé·e·s stéphanois·e·s : cassis42(at)riseup.net

CAR38, Collectif anti-répression de Grenoble : car38(at)riseup.net

Legal Team Marseille : legalteam-marseille(at)riseup.net

Legal Team Pays Basque : legalteambaiona(at)riseup.net

Ces collectifs font partie du Réseau d’autodéfense juridique collective : https://rajcollective.noblogs.org

Est également signataire aussi : Défense collective Cévennes  Garrigues : defcolgj(at)riseup.net

i Rappelons-nous ce conseil de défense sur le covid qui s’est conclu par un 49-3 sur la réforme des retraites le 29 février et les nombreuses tergiversations sur les masques et les tests.

ii Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

iii Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041746694&categorieLien=id

iv Ordonnance portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

v Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041746694&categorieLien=id

vi Pour une analyse de la décision du Conseil constitutionnel du 26 mars 2020 sur la loi organique du 22 mars 2020 : https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog/270320/le-conseil-constitutionnel-dechire-la-constitution

xi 4e alinéa de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041746313&dateTexte=20200327

xii L’amende pour violation du confinement est de 135 euros la première fois, 200 euros en situation de récidive dans les 15 jours. Si la verbalisation, qui n’équivaut pourtant pas à une condamnation définitive, se répète plus de trois fois en 30 jours, le tribunal correctionnel peut condamner à 6 mois de prison et 3 750 euros d’amende. https://www.nextinpact.com/news/108893-le-delit-violations-repetees-confinement-attaque-toutes-parts.htm

xiii Ordonnance portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

xiv Article 9 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19.

xv Pour exemple à Vincennes. En application du protocole ministériel du 17 mars et de l’ordonnance de référé du tribunal administratif de Paris du 15 avril, l’administration devrait lever la rétention et orienter les retenus infectés dans un centre géré par l’Agence régionale de santé (ARS) s’ils n’ont pas de domicile. Mais l’ARS refusant de gérer les sortants de prison au motif qu’il existerait un risque de trouble à l’ordre public, la préfecture transforme le CRA en centre de confinement pour sortants de prison.

xvi Le 12 avril, le ministère de l’Intérieur a d’ailleurs lancé un appel d’offre pour 565 « micro-drones du quotidien », 66 drones « de capacité nationale » et une vingtaine de « nano-drones spécialisés. https://www.boamp.fr/avis/detail/20-51423/0

La peste et la colère

Nous relayons ici un article de Charles Reeve paru le 13 avril 2020 et qui porte sur la situation actuelle d’épidémie et de confinement. Son analyse si elle s’écarte un peu des questions d’antirépression qui sont les notres, nous semble tout de même très importante. Une telle analyse peut en effet nous aider à comprendre où nous sommes et ce qu’il est possible de faire maintenant en termes de luttes et de changement radical de société.

La Peste et la Colère

« Ce que nous vivons aujourd’hui est un temps suspendu qui nous est imposé, qui n’est pas le fruit d’une action autonome d’opposition au monde. » Par Charles Reeve.

paru dans lundimatin#238, le 13 avril 2020

Comment croiser et faire entrer en résonnance les réflexions sur l’étrange et singulière période que nous vivons ? Une période qui, par son côté tragique, met en relief les faiblesses et les limites du système capitaliste mondialisé, faiblesses qui, hier encore, passaient pour l’expression de sa force et de sa puissance.

Soumis aux discours toxiques, distillés en boucle, nous sommes cloués au présent par une atmosphère anxiogène, nous sommes impuissants, du fait même de notre isolement. Nous nous sentons menacés par un environnement où tout objet ou individu est perçu comme hostile, source de mort. Les relations humaines elles-mêmes sont minées par le danger. Les chiffres et les courbes des « spécialistes » de la mort sont suivies comme celles de la Bourse, nous submergent et nous accablent ; elles s’ajoutent aux explications complotistes, aux spéculations et aux prétendues certitudes qui se veulent rassurantes. C’est dans ce magma que l’esprit critique doit se frayer un chemin. C’est en essayant de l’exercer que nous accéderons à la seule issue vers l’air libre et que nous nous élèverons au-dessus de la démission de la pensée devant la peur.

Le refoulement de l’idée de la mort paraissait bien consolidé dans les sociétés riches, effacé par le culte du bien-être et par le mythe du progrès, de l’individu dominateur de la nature. Or La tempête du progrès n’est que destruction du vivant — ce que craignaient, déjà il y a un siècle, les ennemis de l’idéologie productiviste dont Walter Benjamin et d’autres « pessimistes » émancipateurs.

La fragilité de la vie et des sociétés avait été allouée aux peuples de la pauvreté, dans les territoires sans cesse élargis de la barbarie guerrière, dans les sociétés en attente des fruits de ce terrible progrès. La production de la mort était devenue une image consommable, source de révolte, certes, mais lointaine. La consolidation du sentiment de sécurité n’avait cessé d’être renforcée par les murs de la répression et de la xénophobie des sociétés riches. La figure du réfugié, les dizaines de milliers de noyés de la Méditerranée, nous le rappelaient tous les jours. Puis, sans crier gare, le virus a contourné les moyens policiers, les murs et les frontières, et s’est imposé parmi nous. Il a finalement pris le chemin le plus moderne et le plus facile, celui de la circulation marchande des biens et des hommes, y compris — ironie du présent — celle qui s’était déguisée en loisir ludique, le tourisme de masse. « Plus loin, plus vite, plus rien !  » disait un graffiti anar sur les murs de la grande ville. Voilà, nous y sommes : plongés dans le rien. Tout cela, nous le savions, nous étions avertis, nous allions dans le mur. Cette fois, nous y sommes : dans le mur ! Le choc frontal nous abasourdit et nous paralyse. Pourtant, une fois de plus dans l’expérience historique, c’est seulement en se fixant des objectifs de plus grande envergure que nous pouvons tenter de nous arracher à la paralysie et aux peurs, que nous pourrons traverser cette période étonnamment étrange.

Nous sommes sortis de la normalité, la normalité du capitalisme que nous refusions mais à laquelle nous étions obligés de nous soumettre, parfois même au-delà de notre conscience. C’est peut-être là un premier enseignement fort de ce moment, nous faisons tous et toutes partie du système, au-delà des idées de rupture que nous pouvons partager, des pratiques hors-norme que nous pouvons expérimenter. Mais cette sortie de la normalité n’est pas celle que nous avons pu vivre à d’autres moments de l’histoire, la rupture du temps du capitalisme et l’accès à un autre temps produit de l’activité subversive de la collectivité. Ce que nous vivons aujourd’hui est un temps suspendu qui nous est imposé, qui n’est pas le fruit d’une action autonome d’opposition au monde. Cette étrangeté est sûrement une des sources de nos angoisses. Nous vivons une expérience nouvelle qui n’était pas prévisible sous cette forme : « la grève générale du virus », pour reprendre la formule pertinente énoncée quelque part. L’arrêt du « business as usual  » s’est fait sans nous, hors des schémas connus que nous avons toujours envisagés, désirés, et pour lesquels nous avons bataillé. C’est une grève générale de masse sans « masses », pire encore, sans force collective de subversion. Il serait probablement juste de dire que nous vivons une première secousse qui annonce d’autres à venir dans un processus d’effondrement général d’une société organisée à but de profit destructeur. Cet effondrement, étranger qu’il est à toute action collective consciente, n’est pas porteur d’un monde nouveau, de projet de réorganisation de la société sur des bases nouvelles. Il reste encore une création du capitalisme, dans les limites de sa barbarie, sans perspectives autres que celles de l’effondrement. Ici s’arrête toute ressemblance avec la grève générale, création d’une collectivité qui se réapproprie sa force.

Pourtant, le choc qui nous est asséné, annonçant un enchaînement de ruptures dans l’ordre du monde, n’est pas sans rapport avec le fonctionnement du système social dans lequel nous vivons, il n’est pas dissociable de ses contradictions. Les développements récents dans la mondialisation du capitalisme, l’accélération des échanges, la concentration et l’urbanisation rapide et gigantesque des populations, ont accéléré le bouleversement écologique, détruit la fragile reproduction du monde végétal, du monde animal et de celui des humains, brisant les dernières barrières entre eux. L’avènement du capitalisme global n’a pas été la fin annoncée de l’histoire mais il a inauguré une ère nouvelle d’épidémies de plus en plus rapprochées. Après la grippe aviaire, après le SRAS, l’imminence d’une nouvelle épidémie était à craindre, elle était quasiment prévisible. Pourtant, la logique de profit du mode de production capitaliste a impitoyablement poursuivi sa route, et le frein dont il est question dans le « Monologue du Virus  » n’a pas été actionné ; il ne pouvait l’être que par des forces sociales opposées à cette logique et qui peinent à se constituer. Les conséquences de cette logique et de cette impuissance à la bloquer sont devant nous. C’est, il me semble, une piste de réflexion : ne pas séparer la crise virale de la nature du système. Il faut s’opposer aux tentations d’explication faciles qui s’accommodent des limites de ce qui existe, qui cachent mal l’intention de faire repartir la machine. Un bon exemple est celui des délires complotistes en de toutes sortes, dont celui si séduisant du « virus créé en labo ». Si nous savons que la guerre biologique fait partie des projets criminels des classes dirigeantes, si la désorganisation et l’accident, sont inhérents à toute bureaucratie, militaire ou autre, le fait est que la vision complotiste laisse de côté la logique mortifère du mode de production capitaliste. L’explication la plus invraisemblable se fait passer pour la plus évidente. Ce virus fut bel et bien fabriqué, non pas par des pouvoirs occultes mais par le processus destructeur du capitalisme moderne.

On le souligne assez, les mesures de confinement et de privation des libertés sociales et individuelles mettent en relief les rapports de classe. Une fois de plus, cette fois-ci, de façon macabre, l’égalité formelle s’efface devant la criante inégalité sociale. Inégalité que la crise virale accélère. Mais la crise virale révèle aussi la nature du capitalisme moderne, ses contradictions. Le réel du quotidien bouleversé est désormais l’effondrement des systèmes financiers, la débâcle des bourses, la précarité généralisée du travail salarié, la hausse vertigineuse du chômage, un appauvrissement de masse. Bouffée d’air frais : les « économistes », qui avaient relégué au fond du tiroir des objets superflus les concepts gênants de déséquilibre du système, ont quasiment disparu du paysage, confondus par l’inattendu, à court de prévisions. Pendant que des millions de chômeurs s’additionnent aux milliers de morts de la pandémie, les fortunes gigantesques se bousculent pour trouver protection dans les bras de leurs Etats. La planche à billets se remet en marche et l’inflation qu’on nous disait appartenir au passé, pointe son nez. L’après s’annonce déjà comme une deuxième secousse de l’effondrement.

On ne peut s’étonner que l’épidémie du covid-19 et celles qui l’ont précédée aient été générés dans une Chine devenue l’usine du monde, dans des territoires en proie à une destruction sauvage, rapide et massive de la nature. La Chine, usine du monde, est productrice de virus comme elle est productrice de masques, d’appareils d’assistance respiratoire et de dolipranes, etc. C’est un tout.

De par son ampleur globale, planétaire, la contamination virale a très vite débouché sur un blocage des échanges et un écroulement de l’économie, la désorganisation de la production de profit. Une crise entraîne l’autre. L’une renvoyant à l’autre, l’une s’imbriquant dans l’autre. Désormais, tout est global. Et, dans l’espace de deux semaines, ce qui était à peine envisageable est devenu réalité : rien qu’aux Etats-Unis d’Amérique, dans un des centres même de la machine infernale, plus de dix millions de travailleurs se sont découverts chômeurs.

Parmi les questions qui nous interpellent, qui inquiètent, il y a celle de la réponse des pouvoirs politiques sur le terrain des droits formels, de ces contraintes liberticides qui bousculent le cadre juridique de notre existence. L’éventualité d’adopter le « modèle chinois » comme la référence en matière d’état d’urgence s’est dessinée très tôt dans les sociétés européennes pour se concrétiser ensuite dans l’adoption de méthodes, de techniques répressives et de contrôle du quotidien. A cela sont venues s’ajouter des dérogations allant dans le sens d’une remise en cause du Droit du travail. Dans des pays comme le Portugal, le gouvernement socialiste est allé jusqu’à suspendre le droit de grève, permettant à l’Etat « d’avoir les moyens légaux d’obliger les entreprises à fonctionner » [1]

[1] Antonio Costa, premier ministre, déclaration à la…

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On a, d’expérience, des raisons de craindre que ces formes d’état d’urgence puissent, une fois la crise virale terminée, être « versées dans le droit commun », pour reprendre la formule pudique du « journal de tous les pouvoirs ». D’autant plus que cette « fin », le fameux « déconfinement », risque d’être lente et à rallonges. L’urgence — clamée déjà par toutes les forces capitalistes — d’un nécessaire retour au « business as usual  », justifiera sans doute la perpétuation des « contraintes liberticides ». Un nouveau cadre juridique pour de nouvelles formes d’exploitation. Ce qui veut dire que la seule opposition à ce nouvel état de droit autoritaire sera indissociable de la capacité collective à s’opposer à la reproduction de la logique de production et de destruction du monde qui nous a amenés là où nous sommes.

Cela étant, il reste la question incontournable de savoir si le capitalisme, système complexe puissant et capable de rebondissements inattendus, peut s’accommoder, à la longue, d’un fonctionnement social réglé par des mesures et des contraintes liberticides extrêmes. D’expérience historique, un état d’exception est compatible avec la reproduction de rapports d’exploitation et avec la poursuite de la production de profit avec une forte intervention de l’Etat. Ce n’est pas un hasard si l’un des grands théoriciens de l’état d’exception », Carl Schmitt, a été un brillant admirateur de l’ordre nazi, qui a fourni le cadre juridique d’une société moderne en Europe pendant une dizaine d’années au prix d’effroyables horreurs. Plus proche de nous, il est indiscutable que l’ordre totalitaire hérité du maoïsme a été en mesure d’engendrer un régime capable de bâtir une puissance capitaliste moderne, au sein de laquelle l’explosion des inégalités sociales et la montée des conflits et des antagonismes de classe, ont été, jusqu’à présent, surmontées par des mesures despotiques.

Autre chose est l’application de ce modèle aux sociétés du vieux capitalisme à dominante privée, où l’état de droit règle par la cogestion des « partenaires sociaux » l’ensemble des relations sociales. En principe tout au moins, tant il est vrai que la direction des affaires économiques et publiques se fait de façon plus en plus autoritaire dans les formes actuelles du capitalisme libéral. La tendance était déjà manifeste avant l’avènement de la pandémie et l’écroulement prévisible de l’économie. L’évolution du capitalisme, sa crise de rentabilité et le besoin de maximisation des profits avait progressivement réduit l’espace de négociation et de cogestion, fondement du consensus de la démocratie représentative et de ses organisations. La crise de la représentativité politique que nous vivons depuis des années en est la conséquence immédiate.

Cela étant dit, on peut se demander si la mise en œuvre de ces mesures liberticides est liée à un projet conscient des pouvoirs de construire de façon durable, et avec une acceptation tout aussi durable, un état d’exception permanent. Ou l’adoption de ces mesures est-elle la seule réponse dont dispose la classe politique pour affronter les conséquences sociales de la pandémie ?

Comme lors de toute crise, la classe dirigeante doit jongler entre l’idée de la défense de l’intérêt général, qui fonde son hégémonie idéologique, et sa subordination aux vrais donneurs d’ordres, la classe capitaliste. En toute circonstance trouble, le seul plan B disponible est celui d’un renforcement de l’autoritarisme, d’un recours renforcé à la peur comme mode de gouvernement.

Dans la période actuelle, la dimension des contraintes exigées par l’ampleur de la crise virale mondiale pose, à terme, le problème d’une paralysie du système productif lui-même. Pour le moment, le ralentissement de l’économie n’est qu’à ses débuts et la poursuite de la vie sociale prouve indiscutablement la richesse et la puissance des sociétés capitalistes modernes. Si les mesures d’arrêt se prolongeaient, on risquerait de voir l’ensemble de la machine économique s’effondrer. Néanmoins, le passage rapide, en peu de jours, d’un état de stagnation économique à une récession vertigineuse avec des millions de chômeurs est le signe de la fragilité de l’ensemble de l’édifice. Ce qui explique les réticences d’une partie de la classe dirigeante à adopter des mesures d’état d’urgence sanitaire.

Les discours anti-liberticides sont justifiés, ils nous mettent en garde contre la perte de droits déjà bien maigres. Néanmoins, et compte tenu des effets désastreux que ces mesures d’exception peuvent avoir sur le déséquilibre de « leur » économie, on peut considérer que les systèmes politiques les adoptent, non pas dans le but premier de dompter la majorité de la population, de soumettre les exploités à de nouvelles conditions d’exploitation mais, avant tout, parce qu’ils s’y voient forcés par les circonstances, par une situation qui leur échappe. Bien sûr, les classes dirigeantes savent faire bon usage des mesures de l’état d’urgence, elles en profitent pour accélérer le démantèlement des droits dits « fondamentaux », transformer l’état de droit. Toutefois, des faits montrent l’ambiguïté de la situation. Ces mêmes classes politiques — en Europe et même ailleurs dans des pays où l’équilibre social est fragile — se voient forcées de revenir sur des orientations et des décisions prises auparavant. On donnera pour exemple la suspension en France de la haïssable « réforme des retraites » et de la « réforme des droits des chômeurs », le timide projet de libération de certaines catégories de prisonniers, en France, aux Etats-Unis, au Maroc ou ailleurs. Ce serait surestimer leur fonction et même leur intelligence de classe que de considérer que les dirigeants dominent la situation et sont capables d’aller au-delà des mesures de sauvegarde des lois du profit. Ce sont ces lois qui commandent leur initiative politique. Dans le cas présent de la crise sanitaire, le besoin de confinement des populations semble être la seule façon de tenter d’éviter une situation de désastre social et économique. On confine la population non pour affermir la domination sociale mais comme seul moyen de soulager un service de santé publique en lambeaux, conséquence de choix d’austérité. En voulant montrer qu’il maîtrise la situation, le système politique cherche à cacher ses responsabilités dans le désastre sanitaire. Il cherche à nier sa faillite du point de vue de la défense du fameux « intérêt général ». Avec un effet pervers à la clef : le blocage progressif de l’économie dû à ces mesures affaiblit à son tour la gouvernance.

Rien ne dit que la sortie du « confinement » puisse se faire sous la forme d’un retour harmonieux vers une reproduction du passé. Tel est, sans doute, le projet des seigneurs du profit et de leurs serviteurs politiques. Ceux-ci risquent de se trouver à la sortie de l’état d’urgence plus affaiblis qu’ils ne l’étaient avant le début de la crise. Et avec une autre urgence, celle d’une crise sociale étendue. La crise du capitalisme sera le deuxième épisode de la crise virale. C’est pourquoi, dès maintenant, la classe politique cherche à préparer la sortie comme un long processus permettant d’intégrer les mesures d’urgence dans un état de droit de plus en plus d’exception.

La crise de la représentation, déjà ancrée dans une société riche et violemment inégalitaire, ne sera que plus affirmée par les effets dévastateurs de la crise économique. Après le temps suspendu du confinement, les forces du capitalisme tenteront d’imposer un retour au mode de production du passé, aux lois du profit comme seule alternative. Mais, nous ne sommes pas au XIVe siècle de la peste noire et, en France tout au moins, on peut espérer que la révolte et la résistance accumulées au cours des dernières années pourront se nourrir des nouvelles solidarités qui se sont tissées pendant le confinement. Le collectif, seule source de création libératrice, devra reprendre toute sa place, s’étendre.

Du vécu de ces mois étranges, il ressort déjà un élément porteur d’espoir : l’expérience des soignants. Travaillant dans des conditions extrêmement difficiles et avec des moyens restreints par le choix politique de ceux- là mêmes qui désormais se présentent comme des sauveurs, les collectivités de soignants ont réussi à prendre en charge la survie de la société. Au-delà des hiérarchies et des bureaucraties, elles ont fait preuve d’organisation, d’improvisation, d’innovation et d’invention. Si l’horreur ne s’est pas davantage étendue, c’est à elles que nous le devons. Cette entraide de collectivités de travail a sans doute puisé son énergie dans une expérience de plusieurs années de lutte contre l’austérité et le manque, contre la destruction de leurs conditions de travail, contre l’attaque prédateur du capitalisme privé. Face à l’injustice de la mort, soudés par les valeurs de l’entraide, les soignants se sont ainsi réappropriés leur tâche, reprenant momentanément aux gestionnaires financiers le contrôle de leur activité. De par leur fonction, ces travailleurs sont conscients de leur utilité sociale pour la survie de la collectivité, conscience qui renforce leur engagement mais aussi leur force de contestation. Comme on l’avait déjà vu lors d’autres catastrophes, c’est ce sursaut qui peut constituer la charpente d’un projet d’avenir différent.

Nous vivons la peste, mais ce temps suspendu peut aussi être celui où nous cultivons et accumulons les colères. L’opportunité de leur affirmation viendra avec la vie, après le temps des charognards.

En attendant, et pour dompter peurs et angoisses, on peut prendre plaisir à lire ces quelques lignes d’un cher ami de Karl Marx, Heinrich Heine, écrites pendant des années de plomb, entre la révolution de 1848 et la Commune : « Ici règne actuellement le grand calme. Une paix de lassitude, de somnolence et de bâillements d’ennui. Tout est silencieux comme dans une nuit d’hiver enveloppée de neige. Rien qu’un petit bruit mystérieux et monotone, comme des gouttes qui tombent. Ce sont les rentes des capitaux, tombant sans cesse, goutte à goutte, dans les coffres-forts des capitalistes, et les faisant presque déborder ; on entend distinctement la crue continuelle des richesses des riches. De temps en temps, il se mêle à ce sourd clapotement quelque sanglot poussé à voix basse, le sanglot de l’indigence. Parfois aussi résonne un léger cliquetis, comme d’un couteau que l’on aiguise. [2]

[2] Heinrich Heine, Lutèce, Lettres sur la vie politique,…

»

Quelque chose du même ordre nous saisit aujourd’hui, le silence n’est pas toujours le calme, c’est aussi le temps où l’on aiguise les armes des comptes à régler.

C R

8 avril 2020

[1] Antonio Costa, premier ministre, déclaration à la télévision privée SIC, 20 mars 2020.

[2] Heinrich Heine, Lutèce, Lettres sur la vie politique, artistique et sociale de France (1855), précédé d’une présentation de Patricia Baudouin, La Fabrique, 2008.

A lire ici : https://lundi.am/La-Peste-et-la-Colere

Lettre de contestation amende confinement

Depuis le 17 mars 2020 la France est en situation de confinement.

De ce fait l’état d’urgence sanitaire est un régime d’exception mettant en place des mesures liberticides consistant à restreindre nos déplacements individuels afin de lutter contre l’épidémie du COVID-19.

Certes, pour pallier les carences de l’État, il nous faut minimiser nos déplacements et respecter les mesures de sécurité pour limiter une propagation trop rapide du virus et l’engorgement des hôpitaux.

Cependant depuis le début du confinement, ce sont plus de 6 millions de contrôles et plus de 359.000 procès verbaux qui ont été dénombrés et nous relayons de plus en plus de témoignages qui relatent des incohérences, des violences, beaucoup de zèle de la part des forces de l’ordre concernant ces verbalisations sur les réseaux sociaux.

* Prendre un pv parce qu’on ne marche pas en direction du supermarché,
* parce qu’on a pas pris d’attestation
* pour aller aux poubelles,
* parce qu’on n’a acheté qu’une seule baguette etc.

C’est pour cela que la defcol Garrigues Cévennes vous propose une lettre type de contestation face aux amendes forfaitaires pouvant être abusives infligées pour non-respect des mesures de confinement.

Attention, si vous entendez contester une amende, il ne faut surtout pas la régler ! Le paiement de l’amende vaut reconnaissance des faits.

⚠️⚠️⚠️
L’Etat distribue plus de contraventions que de masques ! Il fait plus de contrôles que de tests de dépistage ! Et nous devrions croire que c’est pour le bien commun!?

Ne nous laissons pas écraser par la surenchère sécuritaire et répressive qu’il tente de nous imposer! Contestons ces amendes abusives!

Lettre-type-Contestation-amende-contrôle-COVID19